Article 1 : Les mystères du coaching
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- Sep, 15, 2015
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Auteur | Murielle Mottas |
Article | Les mystères du coaching |
Publié dans | Revue Economique et Sociale 2003 |
Lausanne, juin 2003, / ISSN 0035 – 2772 p. 11 -17 |
- Introduction
Le coaching s’est imposé récemment comme une approche novatrice et pertinente. Cependant, nous avons constaté que la notion de coaching est encore assez vague, non seulement auprès des dirigeants et des responsables mais aussi auprès des milieux académiques. Cet article a pour but d’apporter un éclairage sur ce thème. Nous nous focaliserons sur le coaching individuel et aborderons trois questions : « Qu’entend-on par coaching ? », « Qu’est-ce qui caractérise le style coaching ? » et « Quelles sont les dimensions activées dans le processus du coaching ? ». Enfin, nous présenterons le modèle des niveaux de coaching qui régit notre pratique du coaching de dirigeants.
- Qu’entend-on par coaching ?
Issu du sport, le coaching a constitué au départ un accompagnement destiné à accroître la performance du sportif. C’est dans cette perspective que l’entreprise s’y est d’abord intéressée (Whitmore, 1994).
Dans le monde francophone, Lenhardt (1992) est le premier à conceptualiser le coaching en mettant en évidence que l’approche coaching comporte à la fois une philosophie, une attitude, des comportements, des compétences et des procédures. Ortega (1999) insiste sur le changement évolutif qui caractérise la démarche de coaching. Pour Délivré (2002) le coaching permet de traiter un problème professionnel lié à la personnalité du coaché. Dans cet esprit, l’accompagnement permet au responsable d’avoir accès à son propre fonctionnement. Développer son leadership par exemple passe par la prise de conscience de ses forces, de ses faiblesses, de ses croyances limitatives et des blocages qui en résultent. Higy-Lang et Gellmann (2002) introduisent dans la définition du coaching l’idée qu’il permet d’atteindre un meilleur savoir sur soi, sur l’autre et sur l’environnement. La vision du coaching s’étend et englobe dorénavant la relation du dirigeant par rapport à lui-même ainsi qu’aux autres acteurs, qu’il s’agisse d’individus ou de corps sociaux.
Le développement de ces concepts reflète l’évolution du coaching. Durant cette période d’éclosion du coaching, divers praticiens avancent leur propre définition, imprégnée le plus souvent de leurs expériences, de leurs compétences et aussi de leurs propres limites.
Il nous paraît important, à ce stade, de positionner notre vision du coaching. Notre propre définition du coaching est celle d’un accompagnement – donné par un coach – permettant à une personne – le coaché – d’élargir son champ de vision, de clarifier ses aspirations, ses valeurs et ses objectifs, d’identifier des alternatives concourrant à dissoudre les obstacles se présentant sur son chemin, de choisir les solutions appropriées et de mobiliser ses ressources et son énergie vers l’atteinte de ses buts. Il constitue une formidable dynamique visant à libérer le potentiel d’une personne ou d’une équipe vers la réalisation de ses objectifs.
Processus relationnel entre le coach et son client, le coaching se caractérise surtout par une approche et un style qui lui sont propres.
- Qu’est-ce qui caractérise le style coaching ?
Comme Besson, Vigano et Vuagniaux (2000) le relèvent, « ce qui caractérise le coaching plus que son statut ou les conditions concrètes qui en font une profession moderne, c’est surtout le style d’approche et la mentalité spécifique d’application qu’il représente ». Nos recherches nous amènent à mettre en évidence huit caractéristiques principales sur lesquelles se fondent les pratiques de coaching professionnel.
Ces caractéristiques sont les suivantes :
- Une relation librement consentie, concrétisée par une demande explicite du client d’être accompagné par un coach. Cet accompagnement a lieu dans un cadre qui s’appelle la séance de coaching.
- Un souhait d’évolution de la part du coaché. Ce souhait d’évolution constitue la force motrice de toute activité de coaching. Il s’accompagne pour le coaché de la capacité à se remettre en question et de vouloir mettre en route une démarche de changement.
- La confiance, au sens définit par Lenhardt (1996), c’est-à-dire celle qui se trouve dans la certitude que le coaché va tout faire pour réussir, pas dans le fait qu’il va réussir. Confiance dans l’être, pas dans le faire. C’est la profondeur de cette confiance qui détermine la qualité et la puissance du coaching.
- Une orientation entièrement basée sur la personne du coaché. Le coach se met en disponibilité pour l’autre en l’accueillant dans toutes ses dimensions. C’est une rencontre d’acceptation de l’autre, dans le respect complet de la personne. Elle implique le non-jugement. C’est aussi et surtout accepter son client là où il se trouve en ce moment. L’accompagner à partir de ce point et non à partir d’un point qui serait pré-défini par les souhaits du coach. Permettre à son client d’atteindre les buts pour lesquels il souhaite un accompagnement, telle est la mission du coach.
- Des interventions qui vont prioritairement permettre à la personne de découvrir par elle-même ce qu’elle recherche. C’est la célèbre maïeutique de Socrate[1] qui se différencie très clairement du conseil, si prolixe dans le relationnel courant, mais aussi du mentoring qui, lui, consiste à transmettre une expérience à une autre personne (Houde, 1996). En coaching, c’est l’art du questionnement qui constitue le mode principal d’intervention du coach pour aider son client à trouver lui-même la solution. Comme le soulignent Besson, Vigano et Vuagniaux (2000), la question posée par le coach va avoir cet effet quasi automatique : faire démarrer la recherche intérieure du coaché. Hévin et Turner (2002) précisent que le questionnement ne s’intéresse pas à une recherche d’information ou de contenu : ce qui est essentiel chez le questionné, c’est ce qu’il entend et qui l’ouvre, l’amenant à reconsidérer une position ou à réfléchir sur une situation donnée, ce qui amène déjà une transformation. Le client est ainsi acteur de son propre développement, chercheur de ses propres solutions.
- Un souci constant de la part du coach pour développer l’autonomie de son client par opposition à une approche qui crée la dépendance.
- Un travail dans l’ici et maintenant à partir du vécu du coaché.
- La confidentialité, base de toute relation de coaching.
C’est la synergie de ces huit aspects qui permet au coaching de déployer sa puissance. Les formations de coach préparent à pratiquer le style coaching. En outre, diverses techniques de communication s’y greffent. Des codes déontologiques complètent les aspects relevés. Outre sa formation en coaching, il est évident que l’ouverture du coach, son expérience antérieure ainsi qu’un travail profond sur lui-même constituent d’importantes clés dont bénéficie finalement le client.
- Quelles sont les dimensions activées dans le processus du coaching ?
Lors du démarrage d’un coaching, le coach se trouve très souvent devant la tâche d’aider son client à voir sa réalité telle qu’elle est. C’est ce qu’on appellera ici le principe de réalité. Dans un ouvrage au titre évocateur, « La réalité de la réalité », Watzlawick (1978) suggère de considérer deux types de réalité : celle de premier ordre, liée à une perception objective et admise comme telle, et celle de deuxième ordre qui est la signification que l’individu donne à cette réalité. En ce qui concerne la réalité de premier ordre, la problématique, c’est que notre perception du réel tend à être déformée par nos filtres. Lorsque ces filtres agissent, les biais de perception du réel rendent la recherche de solutions assez inopérante, car les solutions apparaissent comme décalées par rapport aux véritables données du problème. Appliqué avec rigueur par le coach, le principe de réalité permet au client de pouvoir accéder au réel le plus objectivement possible puis de décider de ses actions en fonction du sens et de la valeur qu’il donne à cette réalité.
Le coaching est en mouvement.
Pratiqué avec professionnalisme, le style coaching amène inexorablement le coaché à mobiliser toute sa personne pour progresser vers les objectifs qu’il a lui-même définis. Dans ce travail impliquant, plusieurs dimensions internes du coaché s’activent. Nous pensons d’abord à la dimension clarté, qui résulte du principe de réalité. Dans ce contexte, nous entendons, par clarté, la clarté de l’esprit par opposition à la confusion. Une pensée claire, c’est plus de quatre-vingts pourcent du chemin accompli.
Une autre dimension activée dans le travail de coaching est la dimension conscience, dans le sens de rendre conscient ce qui était inconscient. Nous constatons que cette dimension n’a été qu’effleurée par la littérature naissante relative au coaching. A notre avis, la prise de conscience est au cœur même du processus de coaching. Nous soutenons que l’une des forces du coaching est de permettre au client de prendre conscience des mécanismes inconscients et des routines qui sont à la base de son comportement. Ce sont ces prises de conscience qui vont lui permettre de modifier des comportements dysfonctionnels dans sa relation avec son environnement. Ce faisant, le coaché est davantage en mesure de générer des comportements adaptés aux situations qui se présentent dans sa vie. Toujours sur le plan de la conscience, il est indéniable, comme le soulignent Hévin et Turner (2002), que la relation coach-coaché vise un enrichissement de la conscience : conscience de son identité, conscience de ce qui lui appartient, de ce qui ne lui appartient pas, conscience de ce qu’il souhaite, de ce qu’il ne souhaite pas, conscience de ses responsabilités, etc.
Enfin, le processus même du coaching fait appel à la dimension ressources. Nous entendons par-là l’activation de toutes les ressources du client ; en d’autres termes, dynamiser son potentiel : son être, ses talents, ses compétences mais aussi son énergie et sa capacité à se mobiliser vers ses objectifs.
Nous sommes conscients de ne pas être exhaustifs dans l’énumération des dimensions activées par le coaching. D’autres dimensions, comme par exemple les dimensions apprentissage, évaluation et adaptation mériteraient un développement plus conséquent.
- Niveaux d’intervention
Plusieurs modèles ont été élaborés ces dernières années par les courants des écoles de Palo Alto (Marc et Piccard, 2000), les formateurs de coach et les coach. Nous présenterons ici très brièvement celui que nous utilisons pour le coaching des dirigeants. Il résulte d’un travail d’approfondissement de l’auteur, à partir de son parcours et de son vécu et aussi d’une synthèse de modèles provenant d’approches diverses. Nous ne prétendons pas, bien évidemment, que ce modèle est parfait. Il s’intègre cependant bien dans la vision que nous avons du coaching et il facilite la congruence de nos interventions sur le terrain.
Le modèle comprend six niveaux d’intervention : problèmes, objectifs, compétences, sens, valeurs et alignement. Le coaching débute généralement au niveau un « problèmes » car le manager sollicite le plus souvent au départ un coaching pour être accompagné dans la résolution d’un problème particulier. Le niveau deux « objectifs » permet d’envisager des portes sur le futur en clarifiant quelle est la situation qui est désirée par le coaché, en terme d’objectifs concrets. Au niveau trois, le coaché développe les « compétences » qui vont lui permettre de les atteindre. Etant donné que l’intensité de l’approche et du déploiement des compétences est fonction de la motivation qui anime l’individu (Mottas, 2003), le travail effectué au niveau précédent est déterminant. Le niveau quatre est celui du « sens », soit la direction que le dirigeant souhaite donner à sa vie, aspect clé comme l’ont bien mis en évidence Parikh (1993), Goleman (1995, 1999), Lenhardt (1992, 1995, 1999), Kouzes et Posner (2002) et bien d’autres encore. C’est à ce niveau que la vision, la mission, les questions d’identité, de rôle et de responsabilité sont approfondies. Au niveau cinq on trouve les « valeurs ». Les valeurs constituent le guide d’action du dirigeant, vis-à-vis de lui-même, des autres et de son environnement. Enfin, dernier niveau, « l’alignement », qui consiste à s’assurer de la congruence de l’ensemble, des intentions aux actes.
Ces niveaux d’intervention sont à comprendre dans un sens systémique : ils inter-agissent entre eux. L’intervention du coach peut être comparée à un curseur qui se déplace, en fonction des besoins du coaché, sur l’un ou l’autre des six niveaux.
Ce processus permet au dirigeant de développer son centre de gravité, par contraste à un flottement général, qui lui, amène inexorablement ou l’indécision, ou des décisions n’intégrant pas la globalité de la situation – avec un risque élevé de prendre une mauvaise décision –, ou la rigidité – on n’ose pas revenir sur la décision mal prise et on bétonne en prenant d’autres décisions dans la direction erronée, ce qui conduit le dirigeant à s’enfermer dans une impasse – ou encore l’attitude girouette. Outre leurs conséquences sur les autres, sur l’entité pour laquelle le dirigeant exerce une responsabilité ainsi que sur le corps social dans son ensemble, les dysfonctionnements cités s’avèrent par ailleurs fort coûteux pour la personne elle-même.
Le coaching porte le plus souvent sur les niveaux un, deux et trois. Nous constatons une demande émergente pour coacher des dirigeants sur les niveaux quatre et cinq. Au niveau six, l’intervention du coach consiste à permettre à son client de s’auto-réguler en permanence. Le coaching peut démarrer et s’interrompre à n’importe quel niveau. C’est le client qui détermine son souhait.
- Conclusion
Le coaching se présente comme une approche novatrice et sérieuse pour autant que le coach réunisse les qualités nécessaires au développement du processus de coaching. Pour le coaché, la démarche constitue un puissant accélérateur de développement dont l’entreprise est directement bénéficiaire. Le coaching est une démarche qui se prête plus à être vécue qu’à être décrite et c’est pourquoi nous pensons qu’une bonne façon de démystifier le coaching est de le vivre !
Bibliographie
- BESSON B., VIGANO V.., VUAGNIAUX, J.-M. (2000). L’Art du Coach. Editions Coaching Services.
- DELIVRE, F. (2002). Le Métier de Coach. Editions d’Organisation.
- DEVILLARD O. (2001). Coacher.
- GAUTIER B., VERVISCH, M.-O. (2000). Le Manager Coach.
- GALLWAY T. (1987). The Inner Game of Tennis. Bantam Books (édition originale: 1975).
- GOLEMAN D. (1995). Emotional Intelligence.
- GOLEMAN D. (1999). L’intelligence émotionnelle 2. Robert Laffont.
- HIGY-LANG C., GELLMAN C. (2002). Le Coaching. Editions d’Organisation.
- HEVIN B., TURNER J. (2002). Manuel de coaching. Dunod.
- HOUDE R. (1996). Le Mentor : transmettre un savoir-être. Ed. Hommes et Perspectives.
- KOUZES M., POSNER B. Z. (2002). The Leadership Challenge. Jossey-Bass.
- LENHARDT V. (1992). Les responsables porteurs de sens. Paris : INSEP Editions.
- LENHARDT V., MARTIN B., JARROSSON B. (1996). Oser la confiance. INSEP Editions.
- LENHARDT V., GODARD A. (1999). Engagement, Espoirs, Rêves. Editions Village Mondial
- LONGIN P. (2003). Coachez votre équipe. Dunod.
- MARC E., PICARD D. (2000). L’Ecole de Palo Alto. Editions Retz.
- MOTTAS (2002). « Articuler les motivations aux compétences » in : Revue Economique et Sociale, décembre 2002, pp. 345-352.
- MOTTAS (2003). « Des modèles de gestion des compétences au couple compétences-motivations » in : Guénette A., Rossi M., Sardas J.C (sld). Compétences et Connaissances dans les organisations. Collection Conception et Dynamique des Organisations. Edité par la SEES. pp. 187-197.
- ORTEGA J.-M. (1999).Voies d’excellences. Guy Trédaniel.
- PARIKH J. (1993). Le management entre passion et détachement.
- PLATON (1991). Ménon (trad. Canto-Sperber). GF-Flammarion.
- PLATON (1994). Théétète (trad. Narcy). GF-Flammarion.
- WATZLAVICK P. (1978). La réalité de la réalité. Edition du Seuil, Collection Point,
- WHITMORE J. (1994). Les techniques d’entraînement du sport de haut niveau au service des entreprises. Maxima.
- WHITMORE, John (2001) : Le Guide du Coaching. Maxima.
[1] Extrait des dialogues de Socrate : « Ils n’ont jamais rien appris qui vienne de moi, mais ils ont trouvé eux-mêmes, à partir d’eux-mêmes, une foule de belles choses, et en demeurent les possesseurs. » Platon (1994) : p. 151 [150d].